Tu l’sais tout d’suite en t’levant l’matin qu’tu vas passer une mauvaise journée. Tu l’feel. T’as déjà hâte d’aller t’coucher.
5h30.
Ton cadran sonne. C’est la radio qui t’réveille pis, la toune qui joue, tu l’haïs pour mourir. Tu l’sais qu’tu vas l’avoir dans la tête toute la journée. C’est toujours ça qui arrive quand les chansons sont poches, c’est inévitable.
T’es crevé, t’as l’impression d’avoir juste deux heures de sommeil dans l’corps mais tu comprends pas trop pourquoi. Malgré tout, t’ouvres tes yeux plein d’croûtes. Tu jettes un regard à ton réveille-matin pis tu réalises que, la veille, t’avais réglé ton alarme une heure trop tôt.
Tu revérifies, juste pour être sûr.
C’est confirmé, y’est pas 6h30.
T’es fru.
Tu refermes tes yeux pareil. Pas question qu’tu profites pas au moins d’la p’tite heure qui t’reste pour dormir!
Mais c’est là qu’tu comprends.
Shit.
Tu vas passer une mauvaise journée.
Pis t’arrives pas à t’rendormir. Évidemment.
Comme t’as pas trop l’choix, tu finis par te lever. Tu mets ta robe de chambre et tu sors d’la pièce en t’pétant le p’tit orteil sur le bord du cadre de porte. Tu lâches deux ou trois sacres, qui seront probablement pas les derniers sortant d’ta bouche aujourd’hui.
En arrivant à la cuisine, tu sais pas trop quoi manger pour déjeuner parce que ça fait un bout qu’t’es pas allé faire l’épicerie. Tu penches pour un classique: des toasts. Tu tartines ton pain en faisant attention pour pas t’couper avec ton p’tit couteau à beurre. On sait jamais ç’qui pourrait arriver.
«Yoooo, I’ll tell you what I want, what I really really want, so tell me what you want, what you really really want!» Oh non…. Tu t’surprends à chanter la foutue toune qui t’as réveillé. Tu l’savais qu’t’allais être pogné avec toute la journée.
Ton déjeuner est prêt, mais t’échappes ta première rôtie sur le plancher pis elle tombe du côté d’la confiture. Avec la chance que t’as, tu t’y attendais. Tu t’dis que, des tranches de pain, ç’t’un peu comme les chats: quand ça tombe, ça atterrit toujours du même bord. Ça gosse.
7h40.
Rien d’autre à signaler pour le reste d’la matinée.
Tu t’rends à ton auto pour aller travailler. Tu tournes la clé dans l’contact pis ton char part pas. T’es découragé, mais y’existe une solution à chaque problème alors tu décides de prendre le bus.
Y’a du trafic.
T’arrives en retard à la job.
Pis en plus, t’as oublié d’barrer la porte d’entrée d’la maison.
En avant-midi, tes collègues arrêtent pas d’te répéter à quel point t’as l’air fatigué, tu trouves pas les papiers importants sur lesquels ton boss veut qu’tu travailles, t’échappes ton cellulaire par terre et scrappe ton écran, tu renverses ton café sur ta chemise, tu trébuches dans les escaliers, tout l’monde t’énerve, pis t’accroches le p’tit orteil de ton autre pied sur le coin d’ton bureau.
Sur l’heure du dîner, tu manges ton spaghetti froid parce que l’micro-onde d’la job fonctionne pas, ta chemise se transforme presque en tableau d’peinture abstrait parce que tu la salies une fois d’plus (mais avec d’la sauce à spag, cette fois), la dernière personne sur Terre à laquelle t’as envie d’parler vient s’asseoir à côté d’toi et commence à socialiser, y’a un morceau d’bouffe qui t’es resté pogné entre les deux palettes mais personne te l’a dit, pis tu t’rends compte que ta salade de fruit a coulé partout dans ton sac.
En après-midi, ton boss te fait faire de l’overtime, tu t’coupes les doigts avec du papier, t’as d’la misère à digérer ton lunch, tu remets pas un projet à temps, pis tu manques un appel important.
En arrivant à la maison, tu t’dépêches d’aller t’coucher.
Juste avant d’te mettre au lit, t’ajustes ton alarme pour 6h30 le lendemain matin. Tu préfères mettre toutes les chances de ton bord: tu revivras pas une journée comme aujourd’hui, certain!
Mais ç’a ben beau avoir été une journée épouvantable, ça aurait quand même pu être pire.
J’pense.