On passe tellement d’temps à s’détester qu’on oublie à quel point on est chanceux.
Cher corps,
Je l’sais que, des fois, j’chiale après l’reflet que j’vois dans l’miroir. Y’a toujours quelque chose qui cloche: des yeux bouffis, un bouton dans l’front, des joues trop grosses, des épaules trop larges, une bouche trop petite, une taille pas assez grande, un ventre pas assez plat.
Mais, aujourd’hui, j’te rends hommage. Pis j’te remercie.
Merci à mes yeux.
Parce qu’y m’font voir, découvrir, explorer, apprécier le monde. À tous les jours.
Voir les visages. La nature. La lumière. Les couleurs.
Lire des mots. Regarder des spectacles. Des films. Des feux d’artifices.
Merci à mes mains.
Parce qu’elles me permettent de voir, mais avec le bout d’mes doigts.
De sentir le chaud et le froid. Les textures. Le velours. La brise du vent.
L’eau qui coule sur elles quand je suis sous la douche. La douceur du pelage d’un chat. Le réconfort de mes draps avant de m’endormir. La chaleur d’une autre main dans la mienne.
Merci à mon nez.
Parce que j’peux sentir le parfum de papa. Celui des biscuits qui cuisent. La fraîcheur du linge qui sort du lavage. L’effluve magique du sapin frais qu’on installe dans l’salon à Noël. L’odeur de la pluie. D’une chandelle qui brûle. Des fleurs dans mon jardin.
Merci à ma bouche.
Parce qu’elle m’a fait connaître le goût du chocolat. Des pâtés de grand-maman. D’une pomme fraîchement cueillie. De mon repas préféré. De la meilleure-sauce-à-spag-du-monde (celle de ma mère, naturellement).
Parce qu’avec elle, j’peux m’exprimer. Dire mon opinion. Raconter. Chanter.
Merci à mes pieds.
Parce qu’ils m’amènent à des centaines de lieux différents.
Chez moi. À la maison de mon meilleur ami. À l’école. À la bibliothèque. Dans un parc. Dans les bois. À la plage.
Dans un nouveau pays.
Merci à mes oreilles.
Parce que j’arrive à entendre tout ç’qui m’entoure.
Ma musique favorite. Les voix des gens que j’aime. Le rire d’un bébé. Le son que mes pieds font quand ils s’enfoncent dans la neige croquante. Le chant des oiseaux.
Le silence, aussi.
Merci à mon ventre.
Parce que, grâce à lui, je sais c’est quoi « avoir des papillons dans l’estomac ».
Merci à mes cheveux.
Parce qu’y m’font sentir féminine. Belle, même, des fois.
Merci à mon coeur.
Parce qu’y m’a fait vivre toutes les secondes qui se sont écoulées depuis ma naissance.
Les 572 313 649 secondes.
Pis toutes celles qui s’en viennent.