Les traîneries du samedi

J’aurais voulu t’oublier plus vite, mais j’ai pas la mémoire assez courte.

J’pense que ma tête ç’t’une prison pis qu’t’es destiné à passer ta vie d’dans. J’pense que, entre le moment où j’t’ai vu pour la dernière fois pis aujourd’hui, j’ai perdu la clé d’ta cellule.

J’pense ça.

C’est la seule explication au fait qu’j’arrive pas à t’faire disparaître de mes pensées.

T’es destiné à pourrir au travers de tous mes vieux souvenirs qui veulent pas partir.

Parce que c’est ça, mon problème : j’ai les souvenirs sédentaires.

Disons ça d’même.

Une fois installés entre mes deux oreilles, y veulent pas bouger.

Fa’que t’es là.

Ta face nage dans mon esprit avec mes autres pensées casanières qui s’noieront probablement jamais.

J’suis l’contraire de ceux qui ont la mémoire courte. J’ai la mémoire trop longue.

Toi pis moi, ça fait tellement longtemps.

Pourtant, t’es encore là.

T’es dedans.

Dans ma mémoire.

Tout l’temps.

Trop d’temps.

J’aimerais être comme ceux qui oublient tout avant d’s’endormir et qui recommencent à zéro l’lendemain.

J’aimerais être comme ceux qui avancent dans la vie sans continuellement regarder en arrière.

J’aimerais bein ça, t’oublier.

T’laisser dans l’passé avec les trucs que j’ai abandonnés en chemin.

Mais y’a une partie d’moi qui aime ton souvenir.

Pis j’haïs ça.

J’haïs aimer ta face.

Et j’haïs haïr d’aimer ta face.

Parce que la haine tue mon énergie.

Et tue mon temps.

Trop d’temps.

Tout l’temps.

Ma mémoire est une faculté qui n’oublie pas.

J’cherche le piton « reset » sur mon cerveau pis je l’trouve pas.

Si au moins y’en avait un.

Ça commence à être lourd.

Pas juste toi. Tout.

Mais surtout toi.

T’es lourd.

J’ai l’impression qu’au fond, c’est moi qui est emprisonnée.

J’aurais dû m’faire un double d’la clé de ta cellule avant d’la perdre.

J’t’aurais libéré avant.

J’me serais libérée avant.

Maintenant, steuplaît, évade-toi d’ma prison.

J’te donne la permission.

Va t’en.