Une bulle en miel autour du cœur

La fois qu’mon cœur s’est fait englober d’une bulle sucrée.

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C’est moi la prochaine.

J’ai l’cœur qui saute des temps, y’est mêlé dans son tempo.

En tout cas, y bat la mesure en prestissimo pis ça m’étourdit.

J’ai d’la misère à m’tenir debout.

Ç’t’un peu normal quand t’as les deux jambes molles comme des Slinky. J’ai dû perdre mes genoux quelque part en route avant d’arriver ici.

Devant mes yeux, y’a des rideaux noirs qui m’cachent un peu la vue. J’arrive pas à apercevoir ç’qui s’passe de l’autre bord. J’peux juste l’entendre.

La seule chose que j’vois bien, c’est des p’tits points parce que j’respire trop vite.

Fa’que j’ai ouvert grand mes oreilles pour être sûre de rien manquer.

J’écoute le gars qui chante et gratte sa guitare acoustique sur la scène.

J’le trouve bon.

Ses cordes sonnent belles, ses cordes sonnent contentes. Si la musique était un sourire, j’suis sûre que ça serait ç’que j’entends en ç’moment.

« L’air, c’est même quand il fait gris, une mélodie qui reste dans la tête. »

Je l’aime full cette chanson-là, j’la connais par cœur au complet, mais elle est pas assez longue pis en deux-minutes-et-d’mi-presque-trois, j’ai l’temps d’perdre connaissance cinquante-douze fois.

J’chante les paroles en même temps qu’lui dans ma tête. J’ferme mes yeux qui voient rien pantoute de toute façon. Ça m’calme un-peu-moyen.

Sa voix est comme un murmure dans mon oreille.

Comme s’il me racontait un secret.

C’est comme s’il chantait ça juste à moi.

Comme s’il voulait m’réconforter.

Mon cœur essaie d’suivre la partition d’la toune en s’faisant un rallentando pour attraper l’bon rythme. J’suis sûre que s’il pouvait, y chanterait avec le gars-que-j’connais-pas-l’nom-mais-qui-a-des-cordes-vocales-en-miel.

J’ai chaud, j’pense que mon sang est en train d’me brûler les veines.

C’est sûr que j’ai les joues toutes rouges parce que j’ai l’impression d’avoir un meeting de globules dans la face.

Je l’sais pas si c’est sa voix qui m’fait ç’t’effet-là ou si c’est ma nervosité légèrement maladive. Mais j’ai pas l’temps d’me poser la question plus longtemps parce que je l’entends susurrer ses derniers mots.

« L’air, d’après ç’que j’entends, c’est un concert qu’on n’écoute pus vraiment. »

Et il termine avec un accord de do majeur qui fait vibrer ses six cordes pis un peu moi en même temps.

J’entends des gens siffler et crier des « wow » honnêtes qui viennent du fond d’la gorge.

Mes tympans sont su’l bord d’exploser à cause des spectateurs pis d’leurs mains qui s’frappent ensemble trop fort comme pour tuer la poussière qui leur tourne autour d’la tête.

Ça scrappe la bulle de j’me-sens-bien qu’la voix de miel avait soufflée autour de moi avec ses mots en velours.

J’tiens ma guitare par le cou.
Je l’agrippe tellement fort que j’suis sûre qu’elle serait en train d’mourir asphyxiée si elle pouvait respirer.

L’inconnu-de-miel sort de scène et m’rejoint dans la coulisse. Y m’sourit pis on dirait un croissant d’lune qui m’éclaire dans l’obscurité.

« Ç’t’à toi! Bonne chance! », qu’y m’dit.

J’réponds pas « merci » parce que tout l’monde sait qu’ça porte malheur.

Moi pis mon corps qui shake, on met notre pied droit devant le gauche devant le droit devant le gauche pour se rendre jusqu’au micro.

J’regarde dans la coulisse.

Y’est là.

Y’est resté pour m’écouter.

Sa lune me sourit.

J’gratte ma guitare en mi mineur.

En même temps, j’retrouve mon sang froid, un bon tempo dans la poitrine et mes deux genoux.

J’essaie d’avoir des cordes vocales qui chantent du velours, moi aussi.

J’veux qu’y sache que mes mots sont pour lui.

J’veux qu’y’ait l’impression que j’lui raconte un secret.

J’veux lui souffler une bulle autour du cœur.

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