Le jour où j’suis presque morte.
2009.
Une journée ben normale du mois d’octobre.
C’était presque l’Halloween pis j’devais faire une présentation orale pas-si-intéressante-que-ça sur les Sorcières de Salem pour mon cours de français.
J’étais prête, j’avais mémorisé mon texte par cœur.
L’affaire, c’est qu’j’haïssais ça, les présentations orales.
Beaucoup.
Trop, même.
Ça m’gênait.
Pis ça m’stressait.
Beaucoup.
Trop, même.
J’avais jamais une excellente note dans ces examens-là. J’parlais pas ben fort pis j’disais souvent « genre », « dans l’fond », « t’sais », en prenant soin d’conclure avec un poétique « fa’que, c’est ça ».
Cette journée-là, j’étais assise à mon bureau, comme tous les autres élèves.
La professeure pigeait l’ordre de passage au fur et à mesure.
J’angoissais dans ma tête, en silence, sur ma chaise.
Tout à coup, mon cœur s’est mis à battre un peu trop vite.
Mes mains sont devenues moites.
Mes bras se sont engourdis.
Mon corps shakait, j’étais pus capable de l’contrôler.
J’me transformais en tremblement d’terre.
Ma tête tournait.
Mes poumons se serraient pis ça m’faisait mal.
J’avais d’la misère à respirer.
J’étais essoufflée comme si j’venais d’courir un marathon.
« J’suis en train d’mourir », que j’me suis dit.
J’étais torturée entre la panique, l’incompréhension pis le découragement d’avoir à peut-être perdre la vie pendant un exposé sur les Sorcières de Salem.
Pire mort.
« Marika, ç’t’à toi », que ma professeure a dit.
Boum.
Mon cœur a explosé.
J’me suis levée pour me rendre en avant.
J’ai pris mon p’tit aide-mémoire en carton entre mes doigts qui tremblaient plus que jamais.
J’comprenais pas pantoute ç’qui s’passait avec moi pis j’paniquais.
Mais plus j’paniquais, plus mon corps capotait.
Plus mon corps capotait, plus j’paniquais.
J’étais pas capable de m’concentrer parce que mes pensées parlaient trop fort, trop vite pis disaient plein d’choses en même temps : « j’pourrai-jamais-faire-un-exposé-dans-ç’t’état-là-quessé-ça-j’ai-tu-besoin-d’une-ambulance-c’est-quoi-donc-ma-première-phrase-j’ai-la-bouche-sèche-j’vais-vomir-y-faut-que-j’me-contrôle-ça-va-bien-aller-non-ça-va-pas-pantoute-tout-l’monde-doit-voir-que-j’shake-j’ai-tout-oublié-à-l’aide. »
Rendu en avant d’la classe, j’ai pris une grande respiration, pour me calmer.
Ç’a pas marché.
J’ai éclaté en sanglots tout d’suite après.
Tuseule.
Debout.
Devant tout l’monde.
C’était un peu gênant.
La confusion était étampée sur chaque face que j’avais devant moi.
J’suis sortie dans l’corridor en continuant d’brailler.
Mon visage était caché derrière des larmes de honte pis de « j’comprends rien ».
Les gens m’demandaient ç’que j’avais pis j’étais pas capable de leur répondre parce que j’le savais pas moi-même.
Ç’a finit par passer. Ma peur de mourir drette là, entre la porte A-2420 pis une rangée d’casiers, s’est estompée en même temps.
C’est seulement plus tard que j’ai compris qu’j’avais fait une crise de panique, pas une presque-crise-cardiaque.
Ça m’est arrivé une deuxième fois.
Pis une troisième fois.
Pis d’autres fois aussi.
Là, ça va mieux.
J’suis pas complètement guérie.
J’suis encore quelqu’un d’ben stressée. Mais chaque jour où j’me sens bien, j’ai l’impression d’écraser mon anxiété en dessous d’mes pieds.
J’ai réalisé qu’j’étais pas toute seule à avoir la tête qui bogue un peu des fois.
J’suis pas aussi gênée qu’avant d’parler d’mon angoisse intérieure. Parce que maintenant j’peux dire que j’vais bien.
J’commence à faire comprendre à ma tête que c’est moi l’boss.
Pis c’est ma plus belle victoire.
Tout l’monde a ses bibittes.
Mais on apprend à vivre avec, pis la vie est belle pareil.